Livre: "Le dernier qui s'en va éteint la lumière"
L'auteur Paul Jorion n'y va pas par quatre chemins et pose comme acquis que l'humanité ne survivra pas au désastre écologique. Anthropologue et sociologue, il en analyse les raisons avec une rigueur scientifique étayée par des études antérieures solides. Il s'appuie sur la coïncidence propre à notre époque, de la crise environnementale, de la concentration des richesses et de l'accroissement de la complexité de la société.
Une fois passé le premier chapitre "L'extinction menace", que j'ai trouvé un peu poussif et moins bien justifié que la suite, le reste du livre est un passionnant puits de connaissances inattendues.
En premier lieu l'auteur montre que si l'épuisement des ressources naturelles nous guette, ce n'est pas tant une question technique que de volonté. L'avènement du libéralisme et la marchandisation des règles morales pousse à tout considérer sous un angle de profit à court terme, dont le bien commun est exclus. Nos justices (celles des pays libéral-démocrates) attribuent des compensations monétaires à des délits (des fautes morales), et nos démocraties sont devenues des oligarchies qui n'appliquent plus les politiques pour lesquelles elles sont élues, mais celles d'un libéralisme à courte vue qui n'a pas d'intérêt à la sauvegarde du futur.
En second lieu Paul Jorion nous montre ce qu'est un être humain si on se débarrasse des préjugés et qu'on s'en tient aux éléments scientifiques (c'est-à-dire des théories étayées par des expériences reproductibles). Il s'appuie lourdement sur Nietzsche, Freud, les écrits du Pape et nous livre les résultats de scientifiques moins connus, mais au moins aussi intéressants, comme Benjamin Libet, Quelle que soit sa position sociale, l'homme apparaît alors comme agissant plus par rapport à son expérience antérieure qu'en suivant un raisonnement construit. Comme l'épuisement des ressources n'est pas une expérience antérieure, nous y restons insensibles pour l'essentiel. En ce domaine, la foi aurait tendance à paralyser notre volonté qui se reposerait sur une puissance supérieure - qui n'interviendra peut-être pas.
Après le remplacement du travailleur manuel par la machine (sans contrepartie pour le travailleur), l'avènement de l'intelligence artificielle nous promet-elle un avenir peuplé uniquement de robots ?
Un livre pessimiste mais puissant, on sent que l'auteur n'y croit plus mais qu'il a le devoir moral d'essayer de nous pousser - enfin - à agir.
Le dernier qui s'en va éteint la lumière, de Paul Jorion
sous-titre: Essai sur l'extinction de l'humanité
Editions Fayard, ISBN 9782213699035
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